D' de Kabal
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Le poème du jour
Emporté par le vent
au souffle de la nuit
un bourgeon de clarté
dans l'ivresse du vertige.
Je t'aime de plein silence
et je ret'aime à en mourir
sans jamais trop savoir
pourquoi chavire la lune
empourprée de violine.
L'effervescence du rêve
illumine le voyage
la sève de l'utopie
dissolvant le cauchemar
Toute ombre
et toute pénombre
en alliance d'impossibles
dans l'insomnie de l'oeil.
Frankétienne
in Sphinx en feu d'énigmes : spirale poétique.- Vents d'ailleurs, 2009
Ecrire un poème
Le matin d'aujourd'hui je me suis réveillé
avec l'envie sauvage
d'écrire un poème
Un poème accidentel comme la vie
un poème définitif comme la mort
un poème déchirant comme le coïtus interruptus
un poème libre et irrévocable
comme le matin où nous nous éveillons
avec l'envie sauvage d'écrire un poème
Mais j'ai dû me lever me hâter au travail
j'ai dû me tenir à disposition
j'ai dû me montrer vigilant
j'ai dû rester à la hauteur
j'ai dû me quereller avec les gnomes du téléphone
j'ai dû avaler les mots impuissants
j'ai dû sourire
alors que je voulais hurler comme une bête
et j'ai dû ensuite m'empresser chez moi
j ai dû mettre en ordre les inutilités nécessaires
j'ai dû mettre en ordre les nécessités inutiles
j'ai dû endormir mes enfants
pour lesquels je manque de temps
j'ai dû faire l'amour à ma femme
pour laquelle je manque de temps
et j'ai dû aussi penser à la vie
pour laquelle je manque de temps
j'ai dû encore penser
à ce poème non écrit
Jiri Zacek
in Anthologie de la poésie tchèque et slovaque.- Ed. Messidor/La farandole-UNESCO,1987
Les Haleurs d'horizon
J'écoute la braise
qui couve les noms
des étoiles filantes
Et j'exige du grillon
à nouveau
qu'il dénude la nuit
toute nuit
qui n'accoucherait pas d'une aube
suspendue dans la goutte
sang encre fiel
larme de mes frères
sueur condensée
dans l'interstice de la plume
Plume fusil
braquée à bout portant
sur la tempe de l'oubli
Plume dard
écumant et vomissant les rumeurs
fourmillements et écorchures
mémoire
îles et reptiles
lettres insectes
tifinagh
rampant de fureur
sur les déserts et les astres à venir
déjà rires et grimaces
cordes peuplant nos visages
de haleurs d'horizons
Hawad
in Furigraphie : poésies: 1985-2015.-Gallimard, 2017
C'est la distance
entre la lune et les étoiles
les nuits d'orage
la brume de l'aube incertaine
et ce voyage que tu ne feras pas
Dans les cratères
où tes pas se défont
à peine si tu entends
l'éboulement de la falaise
Il faut dire
autrement
ce qui ne peut se dire
dans l'entrave
noire et blanche
des mots
Assister
à ce déferlement
Trouver
la césure
et le deuil
nécessaire à la vie
Jeanine Baude
Extrait de C'était un paysage.- Ed. Rougerie, 1992
2 octobre et je suis furieux car ce que je voudrais dire je ne parviendrai vraisemblablement pas à le dire je n’essayerai pas véritablement et je suis triste car ce que je voudrais dire au fond exactement je ne le sais pas tout à fait et même pas du tout Je ne saurais pas l’écrire Je fais partie de ces hommes entre 5 et 95 ans fuiteurs chômeurs retraités convalescents chroniques que vous voyez errer lentement bizarrement mal habillés dans les ports sur les quais dans les jardins publics le long des rivières des routes nationales et vicinales dans les rues de toutes les agglomérations je fais partie de ces hommes de 7 à 77 ans presque tous lecteurs de Tintin et des offres d’emploi Je marche dans l’instant mais je me souviens Je marche dans l’instant mais j’espère JE NE SAIS PAS MARCHER DANS L’INSTANT ! Je marche dans le soleil mais hier il a plu je marche dans le soleil mais demain sera froid je m’inquiète et je marche déjà demain et je suis furieux car je ne sais pas marcher dans le soleil d’aujourd’hui
Daniel Biga
Editions Unes, 2018
On ne sait jamais comme on pense
quand on y pense
c’est à crever
Penser qu’on pense :
infernalise
Penser,
c’est d’abord la chair
Penser langager corps
et pas savoir comment l’accès :
ça fait BOUKAN
Penser ça rebondit
pas plus loin que la chair
Penser :
c’est corps qui déboule
Le chaos c’est d’abord tout moi
Penser la pensée c’est terrible :
c’est l’infernal du corps en vie
Édith Azam
2018 © Atelier de l’agneau édition
La poésie naît et meurt
De notre vivant
Parasite flamboyant
Sur la civilisation qui agonise
Quand les lèvres des amants
À bout de souffle complices
Laissent les Narcisses violer
L’eau des rêves
Qui se perd dans le bois dormant
Comme une boussole rendue folle
Le temps jette le soleil
En pétales avariés
Dans les parfums métalliques
Des reflets de villes
Quand les baisers sont des souhaits
Qu’on jette dans l’eau polluée
Des fleuves longs et larges
Comme des bras d’amoureux
En train de se noyer
Dans le sang des caresses
Quand les heureus tombent
Comme des robes sans bijou
Près des anges pendus
Aux ailes en poussière
Qui ont goûté au feu des larmes
Quand j’écoute tes mots
Près du rouge de tes lèvres
Que des dents trop blanches
Rendent maussades et mauves
Alor malgré les cheveux blonds du ciel
Il pleut tout à coup
Les roches sans cristal
Des perles sans âme
Sur la somptuosité de notre décadence
Jean-Paul Daoust, Roses labyrinthes
© Le Castor Astral