Terres du couchant (Les )
Livre
Edité par J. Corti. Paris - 2014
En 1953 Gracq entreprend un roman qui se situe comme Le Rivage des Syrtes dans cette zone rêveuse où Histoire et mythe, imaginaire collectif et destins individuels s'entrelacent. Il y travaille pendant trois étés. Travail difficile, hésitant qu'il abandonne en 1956 pour écrire Un balcon en forêt et dont témoignent les quelque 500 pages manuscrites du fonds Gracq à la BnF. Le récit que nous publions est très proche d'une version définitive, même si pour l'auteur il na pas trouvé sa forme dernière. C'est dans ce dossier que Gracq a prélevé les 25 pages de La Route. Le roman se situe à une époque à la fois historique et hors de l'histoire quelque part aux limites d'un Moyen Age barbare. Il se développe autour d'une ville assiégée aux lointaines frontières d'un Royaume finissant. De loin en loin, la place forte reçoit le renfort de quelques volontaires qui, secouant l'inertie mortelle du Royaume, prennent clandestinement la route pour lui apporter quelque secours. Cest parmi eux que se trouve le narrateur, qui évoque tout d'abord les préparatifs du voyage, les incidents et périls de la marche, les haltes, les rencontres et, surtout, les paysages traversés. La deuxième partie sorganise autour de la vie dans la ville assiégée, avec ses plaisirs et divertissements, toujours précaires face aux signes évidents dun imminent cataclysme : Une ville murée pour le néant . Mais la substance poétique du récit naît de la description des paysages à la lumière changeante des heures. Du haut des remparts, le narrateur regarde la steppe rousse aux pieds de la muraille, plus loin le lac et ses rives de paille et au-dessus, pareils à un rêve de neige flotté sur un aveuglant regard bleu, les linges glacés, glorieux, éblouis de la Haute Montagne. Un royaume sur le point dêtre envahi par les barbares et qui refuse obstinément denvisager le pire, une forteresse en flammes, lherbe froide et poissée dun champ de bataille: